Attentats du 13 novembre : À quoi ressemble la vie en prison de Salah Abdeslam ?

Bien loin de l’«appart étudiant» fantasmé par des internautes, le dispositif carcéral appliqué au survivant du commando de novembre 2015 suit deux grands objectifs : l’isoler totalement du reste des détenus et le maintenir en vie.

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Enfermé depuis le 27 avril 2016 dans la plus grande prison d’Europe, Salah Abdeslam a l’occasion de quitter sa cellule depuis peu. Depuis le 8 septembre, date d’ouverture du procès du 13 novembre, le détenu est appelé à témoigner. L’audience va durer environ 9 mois pendant lesquels Salah Abdeslam va pouvoir quitter sa mise en isolement.

Située au 4ème étage de la prison de Fleury-Mérogis, la cellule de Salah Abdeslam mesure une dizaine de mètres carrés. Tout le mobilier est fixé au sol pour éviter tout débordement. Placé sous haute surveillance, six caméras le filment en continu. Dans toutes les directions, dans la douche, sur son lit, sur les toilettes, chacun de ses faits et gestes sont observés par huit gardiens qui se relaient jour et nuit.

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Salah Abdeslam a été placé en isolement total depuis son arrivée à la prison, il n’a donc aucun contact avec d’autres prisonniers.

Salah Abdeslam dans le box des accusés ce lundi. – Benoit PEYRUCQ

«Quatre cellules lui sont consacrées»

Pour justifier ces contraintes spécifiques, la note rappelle que l’homme est classé détenu particulièrement surveillé (DPS), «en raison de [son] implication supposément forte dans les attentats, comme des capacités logistiques dont [il était] susceptible de disposer». En novembre 2017, le Figaro détaillait le dispositif mis en place «En tout, quatre cellules lui sont consacrées. La sienne, une de rechange en cas de dégradations, une avec un rameur pour faire de l’exercice et un poste de surveillance. Un espace a même été aménagé pour ses promenades solitaires.»

Le fait que Salah Abdeslam dispose de «sa salle de sport privée» fait beaucoup jaser. Néanmoins, «il n’a pas plus de droits que d’autres, il a juste un aménagement particulier du fait qu’on veille à ce qu’il ne parle à personne» en limitant ses déplacements extérieurs, pointe le rédacteur du Parisien joint par CheckNews«Ce n’est pas du tout une salle de gym, mais quelques appareils rouillés», renchérit Matthieu Suc. D’après le journaliste, ce choix de mettre une cellule transformée en salle de sport à disposition du détenu Abdeslam a deux motivations : empêcher toute évasion, sachant que des tentatives ont déjà été «organisées via des petits mots glissés dans des haltères», et éviter de priver les autres détenus de salle de sport lorsque le présumé terroriste s’y rend – puisqu’il devrait, dans tous les cas, être seul.

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Un dessin représentant Salah Abdeslam lors du procès de Bruxelles, le 5 février 2018. REUTERS/Yves Capelle

Fouilles systématiques à l’issue des parloirs

Quelle qu’en soit la configuration, il est essentiel de maintenir l’accès de Salah Abdeslam à des espaces dédiés au sport. Matthieu Suc et son confrère du Parisien insistent sur la notion d’Etat de droit. «N’importe quel détenu, quel qu’il soit et quels que soient ses crimes, a légitimement le droit de faire un peu de sport toutes les semaines», assure le premier. «Tous les détenus ont aussi droit à la lecture et à la télévision», confirme le second. Par ailleurs, de même que tous les prisonniers, il peut pratiquer sa religion et dispose d’un tapis de prière ainsi que d’un exemplaire du Coran.

L’administration pénitentiaire française, condamnée de multiples fois pour des conditions de détention indignes, a dû trouver un juste milieu, explique Matthieu Suc, entre isolement strict de Salah Abdeslam, en partie «justifié par la gravité des faits qui lui sont reprochés», et préservation de ses droits en tant que personne. Par exemple, ainsi que le précise la note, l’homme reçoit «tous les mois la visite de son entourage familial, à raison de trois à quatre parloirs sur une semaine», mais à condition de se soumettre à des fouilles systématiques avant de retourner dans sa cellule.

Salah Abdeslam ce matin 9 septembre à Paris — © Benoit PEYRUCQ / AFP

440 000 euros par an pour ses conditions de vie

Même placé en isolement, l’un des auteurs des attentats peut s’adonner à la salle de sport. Salah Abdeslam dispose d’un vélo et d’un rameur. Alors qu’il n’a aucun contact direct avec les autres détenus, des faits de prosélytisme ont été déclarés. « Il prodigue des conseils religieux à ses codétenus » par la fenêtre de sa cellule, selon un rapport de la prison.

Selon les chiffres communiqués par le Ministère de l’Intérieur, Salah Abdeslam coûterait à la France 440 000 euros par an pour ses frais personnels, le blanchissement du linge, le chauffage, la nourriture, les équipements, etc.

Depuis qu’il a intégré la prison, des dizaines de débordements ont été recensés au sein de sa cellule. En effet, il a endommagé les caméras de surveillance de sa cellule et a attaqué les gardiens venant le fouiller. À présent, Salah Abdeslam peut recevoir du public mais seulement les membres de sa famille ou ses avocats.

Etat psychologique scruté

Une obsession continue de guider la politique carcérale concernant Salah Abdeslam : le maintenir en vie, pour éviter l’immense retentissement qu’aurait un suicide, à plus forte raison s’il survenait avant le verdict prononcé à son encontre par les magistrats. Par conséquent, lorsque l’état psychologique du détenu s’est dégradé, fin 2017, «les juges d’instruction sont intervenus auprès de la chancellerie pour demander que ses conditions de détention soient assouplies», comme le rapporte Willy Le Devin. Elles l’ont été, mais uniquement a minima. Auparavant, Abdeslam était, en plus de l’isolement physique, soumis à un isolement phonique – une plaque de plexiglas recouvrant sa fenêtre. Dans cette affaire, tranche le journaliste de Libération«ce ne sont pas des conditions de détention plus confortables qui sont réclamées, juste des conditions moins indignes. Mais c’est dur à accepter dès lors qu’on fait face à la figure ultime du monstre.» En plus de scruter son état psychologique, l’administration pénitentiaire a configuré sa cellule de manière qu’il «ne puisse pas avoir quelque chose de dangereux sous la main et attenter à ses jours», souligne auprès de CheckNews le journaliste du Parisien. Pour autant, en l’absence d’incident rapporté à ce jour, seul le gros du mobilier est fixé au sol.

Toujours vivant donc, et toujours hautement surveillé, Salah Abdeslam sera, pendant les neuf mois du procès qui vient de s’engager, présent dans le box des accusés pour répondre des 130 décès qu’il est soupçonné d’avoir contribué à causer. A ce stade, son avocate Olivia Ronen ne souhaite pas s’exprimer sur la question de ses conditions de détention. «On reviendra sur ce sujet en temps voulu», glisse-t-elle simplement.